Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/68

Cette page n’a pas encore été corrigée

ses lèvres, qui s’entr’ouvraient. À quoi pensait-elle, en ces minutes, et par quelle secrète magie ces mêmes minutes étaient-elles celles où elle agissait le plus fortement sur l’imagination de ceux qui subissaient son charme ? Un physiologiste aurait sans doute attribué ces soudaines torpeurs à des passages d’émotion nerveuse. N’y avait-il pas là le signe d’un égarement de sensualité contre lequel cette passionnée créature luttait de toutes ses forces ? Hubert Liauran n’avait vu dans le silence de ce soir que la désapprobation d’une femme délicate contre les discours des amis imposés par son mari. Ç’avait été pour lui une suprême douceur de se rapprocher d’elle et de lui parler au sortir de ce dîner où ses plus chères croyances avaient été blessées. Il s’était assis sous le regard de ses yeux, redevenus limpides, et dans un des coins du salon, — une pièce toute meublée à la moderne ; et l’opulence de ce petit musée, ses peluches, ses étoffes anciennes, ses bibelots japonais, contrastaient aussi absolument avec l’appartement sévère de la rue Vaneau que l’existence de Mme Castel et de Mme Liauran pouvait contraster avec celle de Mme de Sauve. Au lieu de reconnaître cette évidente différence et de partir de là pour étudier la nouveauté du monde où il se trouvait, Hubert s’abandonnait à