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le cou vigoureux, les épaules larges, tous les signes d’une race fine et forte, avec une taille mince, des mains et des pieds d’enfant. Ce qui la distinguait des femmes Luinesques, c’était la couleur de ses cheveux, qu’elle avait non pas roux et dorés, mais très noirs, et de ses prunelles, dont le gris brouillé tirait sur le vert. La pâleur ambrée de son teint achevait, ainsi que la lenteur languissante qu’elle mettait à ses moindres mouvements, de donner à sa beauté un caractère singulier. Il était impossible, devant cette créature, de ne pas penser à quelque portrait du temps passé, quoiqu’elle respirât la jeunesse, avec la pourpre de sa bouche et le fluide vivant de ses yeux, et quoiqu’elle fût habillée à la mode du jour, le buste serré dans une jaquette ajustée de nuance sombre. La jupe de sa robe taillée dans une étoffe anglaise d’une teinte grise, ses pieds chaussés de bottines jaunes, son petit col d’homme, sa cravate droite piquée d’une épingle garnie d’un mince fer à cheval en diamants, ses gants de Suède et son chapeau rond ne rappelaient guère la toilette des princesses du seizième siècle ; et cependant elle offrait au regard le modèle accompli de la grâce milanaise, même sous ce costume d’une Parisienne élégante. Par quel mystère ? Elle était la fille de Mme Lussac, née Bressuire, dont les