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— « Je ne suis pas venu ici pour me plaindre à vous, mon parrain, » dit-il ; « vous me recevriez mal, et vous n’auriez pas tort… J’ai à vous demander un service, un grand service. Mais je voudrais que tout restât entre nous de ce que je vais vous confier. »

— « Je ne prends pas de ces engagements-là, » fit le comte. « On n’a pas toujours le droit de se taire, » ajouta-t-il. « Ce que je peux te promettre, c’est de garder ton secret si mon affection pour qui tu sais ne me fait pas un devoir de parler. Va, maintenant, et décide toi-même… »

— « Soit, » repartit le jeune homme après un silence durant lequel il avait, sans doute, jugé la situation où il se trouvait ; « vous agirez comme vous voudrez… Ce que j’ai à vous dire tient dans une courte phrase. Mon parrain, pouvez-vous me prêter trois mille francs ? »

Cette question était tellement inattendue pour le comte qu’elle changea, du coup, la suite de ses idées. Depuis le début de l’entretien, il cherchait à deviner le secret du jeune homme, qui était aussi le secret de ses deux amies, et il avait nécessairement pensé qu’il s’agissait de quelque aventure de femme. À vrai dire, cela n’était point pour le choquer. Bien que très dévot, Scilly était demeuré trop essentiellement soldat pour n’avoir