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pièce, étalait des papiers classés par groupes, notes du grand ouvrage que le comte préparait indéfiniment sur la réforme de l’armée, en collaboration avec son ancien collègue et ami le général de Jardes. Deux manches de lustrine pliées avec méthode étaient posées entre les équerres et les règles. Un buste de Bugeaud ornait la cheminée, garnie d’une grille où un feu de coke achevait de brûler. Cette pièce était carrelée, et le tapis sur lequel portaient les pieds de la table ne les dépassait pas beaucoup. Sur cette table posait une lampe de cuivre poli, allumée en ce moment, dont l’abat-jour en carton vert éclairait mieux le visage du jeune Liauran, qui regardait le feu, assis de côté sur le fauteuil de paille et son menton appuyé sur sa main. Il était à ce point absorbé dans sa rêverie, qu’il paraissait n’avoir entendu ni le roulement de la voiture ni l’entrée du général dans la pièce. Jamais non plus ce dernier n’avait été frappé, comme à cette minute, par l’étonnante ressemblance qu’offrait la physionomie de cet enfant avec celle des deux femmes qui l’avaient élevé. Si Mme Liauran paraissait déjà plus frêle que sa mère, moins capable de suffire aux amertumes de la vie, cette fragilité s’exagérait encore chez Hubert. Son frac de drap mince — il était en tenue de soirée, avec un bouquet