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soir son couvert mis dans une des maisons dont il était le familier. Il était petit, maigre et très brun. S’il entretenait la jeunesse de sa barbe taillée en pointe et de ses cheveux coupés très court par quelque artifice de teinture,c’était une question débattue depuis longtemps entre les trois demoiselles de Trans, qui s’hébétaient à étudier la tenue supérieure de George, ses souliers du soir vernis sous la semelle, les baguettes brodées de ses chaussettes de soie, les boutons d’or guilloché de ses manchettes, la perle unique de son plastron de chemise, en un mot, les moindres brimborions de cet homme, aux yeux bridés et fins, dont la toilette leur représentait une existence d’une prodigalité fastueuse. Il était convenu entre elles qu’il exerçait une fatale influence sur Hubert. Tel n’était sans doute pas l’avis de Mme Liauran, car elle avait chargé George de chaperonner le jeune homme à travers la vie mondaine, lorsqu’elle avait désiré que son fils cultivât leurs relations de famille. La noble femme récompensait par cette marque de confiance la longue assiduité de son cousin. Il venait dans le paisible hôtel très régulièrement et depuis des années, soit que la sécurité de cette affection lui fût une douceur parmi les mensonges de la société parisienne, soit qu’il eût conçu depuis longtemps pour sa cousine Liauran