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l’un auprès de l’autre sur le divan, elle le regarda. Elle tremblait de le voir céder à l’horrible mouvement familier aux hommes au sortir de chutes pareilles, et qui les pousse à punir leur propre faiblesse sur leur complice, en l’accablant de mépris. Si Hubert fut saisi d’un frisson de révolte, il eut du moins la générosité d’en épargner la vue à Thérèse ; et alors, d’une voix que la crainte rendait si captivante : « Ah ! mon Hubert, » disait-elle, « je t’ai donc de nouveau à moi… Si tu savais ! Je n’aurais pas survécu à notre séparation. J’en serais morte ; je t’aime trop… Je serai si douce, si douce pour toi, je te rendrai si heureux… Mais ne me quitte pas. Si tu ne m’aimes plus, laisse-moi t’aimer. Prends-moi, renvoie-moi, au gré de ton caprice. Je suis ton esclave, ta chose, ton bien. Ah ! si je pouvais mourir maintenant !… » Et elle couvrait le visage amaigri du jeune homme de baisers passionnés. Lui cependant restait immobile, la bouche et les yeux clos, et il songeait où il en était tombé. Maintenant que l’ivresse était dissipée, il pouvait comparer ce qu’il venait de ressentir à ce qu’il avait ressenti autrefois. Le symbole du changement accompli était dans le contraste entre la brutalité de ce plaisir, pris ainsi, sur ce divan, et la divine pudeur des anciens jours. Il n’avait point