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— « Ah ! » répondit-elle avec une exaltation grandissante, « vous ne pouvez pas m’empêcher de sentir. Oui ! Hubert, je vous aime, et si je n’ai plus d’espoir que cet amour soit partagé, il n’en est pas moins vivant ici ! » et elle se frappa la poitrine. « Et il faut que vous le sachiez, » continua-t-elle, « c’est ma seule consolation dans le plus complet malheur, de penser que j’aurai pu vous dire une dernière fois ce que je vous ai tant dit en des jours heureux : je vous aime. Ne voyez pas là un rêve de pardon ; je n’essayerai pas de vous fléchir et vous ne me condamnerez jamais autant que je me condamne. Mais il n’en est pas moins vrai que je vous aime — plus que jamais. »

— « Hé bien ! » reprit Hubert, « cet amour sera la seule vengeance que je veuille tirer de vous… Sachez-le donc, cet homme que vous aimez, vous lui avez fait supporter un martyre à ne pas y survivre ; vous lui avez déchiré le cœur, vous avez été son bourreau, bourreau de toutes les heures, de toutes les minutes… Il n’y a plus en moi qu’une plaie, et c’est vous, vous qui l’avez ouverte… Je ne crois plus à rien, je n’espère plus rien, et c’est vous qui en êtes la cause… Et cela durera longtemps, longtemps, et tous les matins il faudra que vous vous disiez et tous les soirs : Celui que j’aime est dans l’agonie, et c’est moi