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Quelles misérables, mais aussi quelles imbrisables étreintes ! Elle finit, sans calcul et en obéissant aux impulsions de son propre cœur, par trouver un moyen qui lui parut presque infaillible pour arriver à une explication. Elle éprouva un irrésistible besoin de se rendre au petit appartement de l’avenue Friedland, et elle se dit qu’Hubert ressentirait, tôt ou tard, ce besoin comme elle. Il fallait, de toute nécessité, qu’elle se rencontrât face à face avec lui à une de ces visites. Sous l’influence de cette idée, elle commença de faire de longues séances solitaires dans ce rez-de-chaussée dont chaque recoin lui parlait de son bonheur perdu. La première fois qu’elle y vint ainsi, l’heure qu’elle passa parmi ces meubles fut pour elle le principe d’une émotion si intolérable qu’elle faillit retomber dans l’excès de son premier désespoir. Elle y revint cependant, et, peu à peu, ce lui fut une étrange douceur que d’accomplir presque chaque jour ce pèlerinage d’amour. Le concierge allumait le feu ; elle laissait la flamme éclairer le petit salon d’une lueur vacillante qui luttait contre l’envahissement du crépuscule ; elle se couchait sur le divan, et c’était pour elle une sensation à la fois torturante et délicieuse, toute mélangée d’attente, de mélancolie et de souvenirs.