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d’ailleurs quels moyens employer pour se trouver avec lui, ne fut-ce qu’une heure ? Écrire ? elle le fit, non pas une fois, mais dix. La lettre cachetée, elle la jetait dans un tiroir et ne l’envoyait point. D’abord aucune phrase ne lui paraissait suffisamment câline et humble, enlaçante et tendre. Puis elle appréhendait avec épouvante qu’Hubert n’ouvrit même pas l’enveloppe et qu’il la lui retournât sans répondre. Le retrouver à un dîner, dans une visite ? Elle redoutait un tel hasard affreusement. De quel cœur supporter son regard, qui serait cruel, et qu’elle ne pourrait même pas essayer de désarmer ? Aller rue Vaneau et obtenir de lui un entretien ? Elle savait trop que ce n’était pas possible. Lui faire parler ? Par qui ? La seule personne qu’elle eût mise dans la confidence de son amour était l’amie de province qu’elle avait chargée de jeter ses lettres à la poste pour son mari, tandis qu’elle-même était à Folkestone. Parmi tous les hommes qu’elle rencontrait dans le monde, celui qui était assez dans l’intimité d’Hubert pour servir de messager dans une pareille ambassade était aussi celui dans lequel son instinct de femme lui montrait l’auteur probable de l’indiscrétion qui l’avait perdue, George Liauran. Elle était liée des mille menus fils que la société attache aux membres de ses esclaves.