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le pénétrerait pas, ne l’arracherait pas au désespoir ? Maintenant qu’elle ne se trouvait plus sous l’accablement immédiat de son infidélité, elle ne la jugeait pas du point de vue essentiellement masculin, c’est-à-dire comme quelque chose d’absolu et d’irréparable. Chez la femme, créature beaucoup plus instinctive que nous autres hommes, beaucoup plus voisine de la nature, les puissances de renouveau sont beaucoup plus intactes. Une femme trompée pardonne, pourvu qu’elle se sente aimée, et une femme qui a trompé ne comprend guère qu’on ne lui pardonne pas. La faute commise, c’est une idée, une ombre, une chimère. L’amour éprouvé, c’est un fait, une réalité. Thérèse était donc sortie entièrement de la période de dépression morale dont son aveu avait marqué l’extrême limite. Certes, elle ne regrettait pas cet aveu, ainsi que tant d’autres femmes eussent fait dans des circonstances semblables ; mais elle désirait, elle espérait, elle voulait que cet aveu n’eût pas marqué la fin de son bonheur, car, après tout, elle aimait, et elle était aimée. Cependant son désir ne l’aveuglait pas au point de lui faire oublier ce qu’elle savait du caractère de son ami. Fier et pur comme elle le connaissait, que ce rapprochement était difficile ! Et