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Elle ne savait pas qu’à l’heure où, comme folle,
Plaintive, elle implorait une seule parole,
Je souffrais autant qu’elle, et que je l’adorais.
L’homme outragé n’a rien de mieux que le silence,
Car se venger est un aveu des maux secrets,
Et je veux qu’on me croie au-dessus de l’offense.

— « Oui, » se disait Hubert, « il a raison : — le silence… « Ces vers le remuaient, enfantinement, comme il arrive aux lecteurs ordinaires qui demandent à une œuvre de poésie seulement d’aviver ou d’apaiser la plaie intérieure. « Le silence… » reprenait-il. « Est-ce qu’on parle à une morte ? Hé bien ! Thérèse est une morte pour moi. »

En s’exprimant ainsi dans la solitaire chambre de travail où il passait maintenant presque toutes ses journées, Hubert n’avait plus de rancune contre sa maîtresse. Comme aucun fait récent ne venait susciter en lui des sentiments nouveaux, les anciens reparaissaient, ceux d’avant la trahison. Ces images de ses souvenirs abondaient en lui sans qu’il les chassât, et, petit à petit, sous cette influence, sa colère devenait quelque chose d’abstrait et de rationnel, si l’on peut dire, de convenu à ses yeux. En réalité, il n’avait jamais autant aimé cette femme que dans ces heures où il se croyait sûr de ne plus la revoir. Il l’aimait comme