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frêle et mince comme il était, à ce solide et fier garçon, qui, plus haut que lui de la moitié de la tête, s’en allait ainsi, tenant sa canne à la façon anglaise, par le milieu et à quelque distance de son corps, sous le joli ciel de ce matin d’hiver, d’un pas qui disait la certitude de la force. La comparaison expliquait trop bien les causes déterminantes de la faute de Thérèse, et pour la première fois le jeune homme les aperçut, ces causes meurtrières, dans leur brutalité vraie. « Ah ! le pourquoi ? le pourquoi ? Mais le voilà ! » songeait-il en considérant avec une envie douloureuse cet être si animalement énergique. Cette première émotion fut trop amère, et le misérable enfant allait renoncer à sa poursuite, lorsqu’il vit La Croix-Firmin monter dans un fiacre. Il en héla un lui-même.

— » Suivez cette voiture, » fit-il au cocher.

L’idée que son ennemi allait chez Thérèse venait de rendre à Hubert sa frénésie. Il se penchait de temps à autre à la portière de son coupé de rencontre, et il y voyait rouler celui qui emportait son rival. C’était un fiacre de couleur jaune, qui descendit les Champs-Elysées, suivit la rue Royale, s’engagea dans la rue Saint-Honoré, puis s’arrêta devant le café Voisin. La Croix-Firmin allait tout simplement déjeuner.