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aisément, bas et lourd comme il était, — un véritable coupé de douairière, que le général avait gardé tel quel, avec le cuir vert pâle de la garniture et la nuance vert sombre de ses panneaux. Est-il besoin d’ajouter que Scilly avait hérité cette voiture en même temps que la maison ? Dans son ignorance de vieux grognard habitué aux rudesses d’un métier qu’il avait pris très au sérieux, il considérait naïvement ce pesant carrosse comme un comble de confortable, et, la main passée dans une des brassières, assis sur le bord de la banquette où sa cousine s’allongeait voluptueusement autrefois, ce qu’il revoyait sans cesse, c’était le salon de la rue Vaneau et les deux habitantes de ce calme asile, — si calme, avec ses hautes fenêtres fermées, derrière lesquelles s’étend le princier jardin qui va de la rue de Varenne à la rue de Babylone, — oui, si calme et si connu de lui, Scilly, dans les moindres détails. Sur les murs étaient appendus trois grands portraits attestant que, depuis la Révolution, tous les hommes de cette famille avaient été soldats. C’était d’abord le colonel Hubert Castel, le grand-père, représenté par le peintre Gros sous le sévère uniforme des cuirassiers de l’Empire, la tête nue, sa robuste nuque prise dans le collet d’un bleu noir, son torse revêtu de la cuirasse, ses bras serrés