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toutes les caresses. Il avait cru, par-dessus tout, en Thérèse de Sauve. Il l’avait, dans sa pensée, assimilée au reste de sa vie. Autour de lui tout était vérité ; aussi l’amour de Thérèse lui était-il apparu comme une vérité suprême. Et voici que maintenant, par une révolution d’esprit où se trahissait le vice originel de son éducation, il assimilait à cette femme de mensonge tout le reste de sa vie. Il avait été façonné par sa mère à ne faire aucune part au scepticisme. C’est probablement le plus sur procédé pour que la première déception transforme le trop croyant en un négateur absolu. Il n’est jamais bon d’attendre beaucoup des hommes et de la nature. Car ils sont, eux, des animaux féroces à peine masqués de convenances ; et quant à elle, son apparente harmonie est faite d’une injustice qui ne connaît pas de rémission. Pour garder de l’idéal en soi, jusqu’à ce que la mort nous délivre enfin dû dangereux esclavage des autres et de nous-mêmes, il faut s’être habitué de bonne heure à considérer l’univers de la beauté morale comme le fumeur d’opium considère les songes de son ivresse. Ce qui constitue leur charme, c’est d’être des songes, partant de ne correspondre à rien de réel — du moins ici-bas. Hubert était si accoutumé, au contraire, à remuer son intelligence tout d’une pièce,