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affectueuses, si complète qu’il ne s’inquiétait même plus de savoir ce que Thérèse était devenue.

— « Après tout, » se disait-il un matin en se levant, « je vivais bien avant de la connaître ! Je n’ai qu’à me remettre en pensée dans l’état où je me trouvais avant ce 12 octobre… » —Il se rappelait exactement la date. — « Il n’y a pas beaucoup plus d’un an. J’étais si paisible alors ! J’aurai fait un mauvais rêve, voilà tout. Mais il faut détruire tout ce qui pourrait me rappeler ce souvenir. »

Il s’assit devant son bureau, après avoir mis de nouveau du bois dans le feu afin d’activer la flambée et fermé la porte à double tour. Il se rappela involontairement qu’il agissait ainsi autrefois, lorsqu’il voulait revoir le cher trésor de ses reliques d’amour. Il ouvrit le tiroir où ce trésor était caché : il consistait en un coffret de maroquin noir sur lequel étaient entrelacées deux initiales, un T et un H. Thérèse et lui avaient échangé deux de ces coffrets pour y conserver leurs lettres. Sur celui qu’il avait donné à son amie, il avait fait, à défaut des deux initiales, autographier le nom de Thérèse en entier. « Ai-je été enfant ! » songea-t-il à l’idée des mille petites délicatesses de cet ordre auxquelles il s’était livré. Il y a toujours de la puérilité, en effet, dans ces extrêmes délicatesses ;