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c’est à travers ce dégoût que toute la vie lui apparaissait. Son âme était comme saturée d’amertume et cependant affreusement sèche. Il n’était pas une impression qui ne se transformât pour lui dans ce sentiment du sale et du triste. Il se levait, passait la matinée parmi ses livres, les ouvrait, ne les lisait pas. Il déjeunait, et la vue de sa mère, au lieu de l’attendrir, le crispait. Il rentrait dans sa chambre et reprenait son oisiveté morne de la matinée. Il dînait, puis, aussitôt après le dîner, quittait le salon, pour ne rencontrer ni le général ni son cousin, de qui la présence lui était insupportable. La nuit, s’il s’éveillait, il continuait de voir la scène maudite, avec la même impossibilité de parvenir à la douleur détendue S’il s’endormait, il lui fallait, une fois sur deux, supporter le cauchemar de cette même vision. Comme il n’avait aucune idée sur la physionomie de l’homme avec lequel sa maîtresse l’avait trompé, ce qui surgissait devant son sommeil morbide, c’était d’horribles songes où toutes sortes de visages différents étaient mêlés. Le mal que lui faisait cette imagination le réveillait. La sueur inondait son corps ; il éprouvait un déchirement au sein, comme si son cœur, qui battait trop vite, allait se décrocher ; et, à travers cette souffrance, c’était la même prostration de ses puissances