Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/17

Cette page n’a pas encore été corrigée

salon d’un petit hôtel de la rue Vaneau, où il avait laissé en tête à tête sa vieille amie Mme Castel et la fille de cette amie, Mme Liauran. Onze heures venaient de sonner à la pendule du plus pur style Empire — un cadeau de Napoléon 1er au père de Mme Castel — posée sur la cheminée de ce salon. Le général s’était levé, comme d’habitude, exactement au premier coup, afin de gagner sa voiture annoncée. À vrai dire, le comte avait les plus fortes raisons du monde pour être obscurément et profondément troublé. Après la campagne de 1870, qui lui avait valu ses dernières épaulettes, mais aussi une ruine de sa santé, définitive, cet homme s’était trouvé à Paris sans autres parents que des cousins éloignés et qu’il n’aimait pas, ayant eu à se plaindre d’eux lors de la succession d’une cousine commune. N’avaient-ils pas attaqué le testament de la vieille dame et accusé de captation, qui ? lui, le comte Scilly, le propre fils du héros de Leipsick ! Avec ce besoin de remplacer pas des habitudes fixes la sécurité de la famille absente, qui distingue les célibataires de tout âge, le général fut conduit à se créer un intérieur en dehors de son appartement de soldat au repos. Les circonstances firent de lui le commensal quasi quotidien de l’hôtel de la rue Vaneau où habitaient deux femmes auxquelles il