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visible d’un développement du caractère produit par l’hérédité. Trop fin déjà, le visage s’est affiné davantage ; sensuel, il s’est matérialisé ; volontaire, il s’est durci et séché. À l’époque où la vie a terminé son œuvre, lorsque la mère a passé la soixantième année, la fille la quarantième, cette gradation dans les ressemblances devient comme palpable au contemplateur, et avec elle l’histoire des circonstances morales où s’est débattue cette âme de la race dont ces deux êtres marquent deux étapes. La perception des fatalités du sang devient si lucide alors, que parfois elle tourne à l’angoisse. Dans ces rencontres se révèle, même aux esprits les plus dépourvus du sens des idées générales, l’implacable, la tragique action des lois de la nature ; et, pour peu que cette action s’exerce contre des créatures qui nous tiennent au cœur, même en dehors de l’amour, cela fait si mal de la constater !

Bien qu’à soixante et douze ans, avec une maladie de foie contractée en Afrique, cinq blessures et quinze campagnes, un homme, parti jadis comme simple soldat et retraité comme divisionnaire, ne soit pas très disposé aux songeries philosophiques, c’est pourtant à des impressions de cet ordre que le général comte Alexandre Scilly s’abandonnait, ce soir-là, au sortir du