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Mais est-ce que les sens ont vraiment une mémoire ? Est-ce que les coupables fièvres ne veulent pas s’en aller pour toujours du sang qu’elles ont brûlé dans des heures mauvaises ? Une fois établie en sa villa, elle avait retrouvé des amies d’autrefois, très négligées depuis le commencement de sa liaison avec Hubert. Elle avait fait avec ces femmes et leurs attentifs, leurs fancy men, — comme disait une lady mêlée à ce cercle, — plusieurs parties de campagne, très gaies et très innocentes. Et voici que, jour à jour, elle se prenait, non pas à moins aimer Hubert, mais à vivre un peu à côté de cet amour, à se complaire de nouveau dans les habitudes de familiarités masculines qu’elle s’était interdites depuis une année. Elle était si oisive dans sa villa, sans occupation d’intérieur, sans lecture même. Car elle n’avait jamais beaucoup aimé les livres, et sa liaison avec Jacques Molan l’avait dégoûtée à jamais du mensonge des belles phrases. Quand elle avait écrit à Hubert longuement, puis brièvement à son mari, qui venait d’ailleurs la voir chaque semaine, il lui fallait bien tromper l’ennui, et par moments il lui arrivait comme des bouffées d’idées qu’elle n’osait pas s’avouer à elle-même. Des besoins de sensations s’élevaient en elle, qui l’étonnaient. Elle savait, pour l’avoir entendu dire, que presque