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toujours que ses caresses ne fussent une cause de corruption pour cet être si jeune de cœur, si jeune de corps, qu’elle voulait enivrer sans le profaner. Quoiqu’elle fût éperdument éprise, elle avait voulu que les rendez-vous se fissent rares dans le petit appartement de l’avenue Friedland, de peur de ne pas conserver assez longtemps à ses yeux son charme de divine nouveauté. Ils n’avaient pas été bien nombreux, — elle aurait pu les compter et goûter en songe la douceur distincte de chacun, — les après-midi où elle avait retrouvé les délices des heures de Folkestone, tous volets clos, sans lumière,ensevelie dans les bras de son amant, morte à ce qui n’était pas cette minute et cette ivresse. Elle en était venue à ce point d’idolâtrie pour Hubert qu’elle adorait Mme Liauran, quoiqu’elle sût bien qu’elle en était haïe. Oui, elle l’adorait d’avoir élevé ce fils dans cette atmosphère de sensibilité frémissante et pure. Elle l’adorait de le lui avoir gardé, à travers les années de l’adolescence et de la jeunesse, si délicat, si gracieux, si tendre, si à elle, si uniquement à elle dans le passé, dans le présent et dans l’avenir. Car elle avait l’orgueil, presque la folie de son propre amour Elle lui disait : « Ta vie commence, la mienne finit. Oui, enfant, à trente ans une femme est presque à la fin de sa jeunesse, et