Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/150

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’écrivain s’était révélé avec une telle dureté, une fois sûr d’elle, que la révolte avait été trop forte, et Thérèse avait brisé. C’est dans la période d’acre détresse postérieure à cette rupture qu’elle avait rencontré Hubert Liauran. Ce qu’avait été pour elle la découverte de ce cœur d’enfant tendre, du coin de son feu solitaire auprès duquel elle s’obstinait à veiller, elle le voyait si nettement. Dans cette existence, où tout n’avait été que blessure ou flétrissure, — même ses plus vives douleurs n’étaient-elles point déshonorées à l’avance par leur cause ? — avec quelle émotion ravie elle avait mesuré la pureté de cette âme de jeune homme ! Quelle inquiétude elle avait ressentie et quelle crainte de ne pas lui plaire ! Quelle crainte encore, sachant qu’elle lui avait plu, de se perdre dans son esprit ! Comme elle avait tremblé qu’un des cruels indiscrets du monde ne révélât son passé à Hubert ! Comme elle avait employé tout son art de femme à faire de cet amour un adorable poème où rien ne manquât de ce qui peut enchanter une âme innocente et neuve à la vie ! Comme elle avait joui de ses respects et comme elle les avait laissés se prolonger ! Ah ! ces deux journées de Folkestone, quand elle y songeait maintenant, à peine pouvait-elle croire qu’elles