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se sentir souillée par ce que l’intimité de cet homme lui avait révélé de science du vice, elle avait cru trouver de quoi satisfaire ses besoins de cœur dans la personne de Jacques Molan, l’un des romanciers les plus subtils de ce temps. Est-ce que tous les livres de ce charmant conteur, depuis son premier et unique volume de poésie jusqu’à son dernier recueil de nouvelles, ne révélaient pas l’entente la plus minutieuse et la plus attendrie du doux esprit féminin ? Dans cette seconde liaison commencée sur la plus enivrante espérance, celle de consoler les secrètes déceptions d’un artiste admiré, Thérèse s’était bientôt heurtée à l’implacable sécheresse du littérateur usé, chez lequel le divorce est absolu entre le sentiment et son expression écrite. (Voir la Duchesse bleue.) Elle s’était pourtant obstinée à rester la maîtresse de cet homme, même détrompée, par cette raison qui veut que de tous les amours de femmes, le deuxième soit le plus long à finir. Elles veulent bien admettre que le premier ait été une erreur, mais l’erreur du mariage et l’erreur de ce premier amour, cela fait deux ; à la troisième faute, elles se rendent compte que la cause de leur inconduite est en elles et non pas dans les circonstances, et c’est là un aveu trop cruel pour l’orgueil intérieur. Puis l’égoïsme de