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avec justice par George Liauran, jamais elle ne devait y songer sans une nausée intime, en se rappelant quels tristes motifs l’avaient livrée à lui. C’était un homme réfléchi jusqu’à la rouerie et spirituel jusqu’au cynisme, de la sorte d’esprit parisien qui a cours entre l’Opéra, Tortoni et le Café Anglais. Il avait eu, en faisant la cour à Thérèse, le bon sens de ne pas se perdre, comme les nombreux rivaux qu’il avait alors auprès d’elle, troupe de bêtes de proie en train de flairer une victime, dans les mièvreries des flirtations à la mode. Il lui avait nettement, avec une grande adresse de discours et une profondeur dans le vice, offert d’arranger avec lui une sorte d’association pour le plaisir, secrète, sûre, sans avenir, et l’infortunée avait accepté, — pourquoi ? Parce qu’elle s’ennuyait mortellement, parce qu’elle enlevait momentanément Desforges à Suzanne Moraines, une de ses rivales d’élégance ; parce qu’elle était avide de sensations nouvelles et que ce viveur vieillissant avait autour de lui un étrange prestige de libertinage. De cette liaison, que le baron, fidèle du moins à sa parole, n’avait pas essayé de prolonger, Thérèse avait eu bientôt une honte profonde, et elle s’en était échappée comme d’un bagne. Après une année passée à subir ses remords et à