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d’une femme qui est tombée et qui a souffert de sa chute, comme des fermes propos d’un joueur qui a perdu trois mille louis et d’un ivrogne qui a dit ses secrets durant son ivresse. Les causes profondes qui ont produit le premier adultère continuent de subsister après que la faute a cruellement abreuvé la coupable de toutes les amertumes. La femme qui prend un amant aime moins cet amant qu’elle n’aime l’amour, et elle continue d’aimer encore l’amour quand l’amant choisi l’a déçue, jusqu’à ce qu’elle arrive, de désillusions en désillusions, à aimer le plaisir sans amour, et quelquefois le plus dégradant plaisir. Thérèse de Sauve ne devait jamais en descendre là, parce qu’un sentiment de l’idéal persistait en elle, trop faible pour contre-balancer les fièvres des sens, assez fort pour éclairer à ses propres yeux l’abîme de ses défaillances. Cette taciturne, dans laquelle passaient par instants les frissons d’un désir presque brutal, n’était pas une épicurienne, une légère et gaie courtisane du monde. Conçue parmi les remords de sa mère, Thérèse avait l’âme tragique. Elle était capable de dépravation, mais, incapable de cet oubli amusé qui cueille l’heure fugitive et qui ne retrouve qu’avec effort le nom du premier amant parmi tant d’autres. Non, ce premier amant, ce baron Desforges, soupçonné