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action pour lui extraordinaire. Il chercha un café où il put s’arrêter et se reposer. Il avisa une petite taverne anglaise, perdue dans ce coin de Paris élégant, pour l’usage des cochers et des bookmakers. Il y entra. Deux hommes à face rouge, à forte encolure, et que l’on devinait devoir sentir l’écurie, se tenaient debout devant le comptoir. Par cette fin d’un après-midi d’automne, l’ombre envahissait sinistrement ce coin désert. En face du bar courait une banquette vide, et une longue table de bois était chargée d’un numéro de journal anglais à plusieurs feuilles. Hubert s’assit et se laissa servir un verre de vin de Porto, qu’il but machinalement, et qui eut sur ses nerfs tendus un effet d’excitation nouvelle. La vision lui revint, pour la troisième fois, accompagnée d’un nombre d’idées plus grand encore qui, d’elles-mêmes, se classaient en un corps de raisonnement. Thérèse était donc revenue à Paris, si vite, et elle s’était rendue à l’un de leurs rendez-vous clandestins. Pourquoi donc avait-elle eu, entre ses bras mêmes, un si violent accès de sanglots ? Elle était souvent mélancolique dans la volupté. Les ivresses de l’amour aboutissaient d’ordinaire en elle à l’attendrissement triste. Mais qu’il y avait loin de son habituelle et rêveuse langueur à cette frénésie de désespoir ! Hubert en