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ce qui arrive à celui qui se réveille d’un cauchemar, lorsque l’assaut des sensations environnantes vient dissiper le mirage torturant qui l’hallucinait dans son sommeil. Certes, Hubert Liauran, depuis une année qu’il aimait Thérèse de Sauve, n’avait jamais eu un doute, même d’une minute, sur cet amour, dont, par une délicatesse qui se trouvait être de la prudence, il n’avait jamais parlé à personne ; et encore maintenant, après les accusations formulées contre elle par le comte Scilly et Mme Liauran, il ne la croyait pas capable d’une trahison. Cependant ces accusations emportaient avec elles une réalité possible, et tandis qu’il remontait vers l’Arc-de-Triomphe, voici que le souvenir des phrases prononcées par son parrain et sa mère évoqua en lui le spectacle de Thérèse s’abandonnant à un autre homme. Ce ne fut qu’un éclair, et à peine cette vision de hideur eut-elle frappé l’esprit d’Hubert, qu’elle détermina une réaction. Par un violent effort, il chassa cette image, qui s’effaça pour quelques minutes ; puis elle reparut, accompagnée cette fois de tout un cortège d’idées probatrices. Hubert se rappela soudain que, durant le voyage à Trouville, et d’un jour à l’autre, plusieurs lettres de sa maîtresse s’étaient trouvées écrites d’une écriture un peu autre. Il semblait qu’elle se fût mise à sa table