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VI

HORIZON NOIR


Des quelques personnes qui composaient l’intimité de la rue Vaneau, celle qui s’inquiétait le plus des chagrins de Marie-Alice était précisément ce George Liauran, parce qu’il était aussi celui auquel cette femme montrait le plus complètement sa peine. Elle comprenait qu’il était le seul à pouvoir un jour la servir. À chaque visite nouvelle, il mesurait le ravage produit chez elle par l’idée fixe. Ses traits s’atténuaient, ses joues se creusaient, son teint se plombait, ses cheveux, demeurés si noirs jusque-là, blanchissaient par touffes. Il arrivait parfois à George d’aller dans le monde au sortir d’une de ces visites et d’y rencontrer son cousin Hubert, presque toujours dans le même cercle que Mme de Sauve, élégant, joli, les yeux brillants, la bouche heureuse. Ce contraste soulevait dans cet homme d’étranges sentiments, tout mélangés de bien et de mal. D’une part, en effet, George aimait beaucoup Marie-Alice, et d’une affection qui avait été autrefois très romanesque,