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le crépuscule des dieux

Hôtel. Le Duc fit atteler, et partit en toute hâte… Un escalier à monter, une porte ; il était devant Giulia.

— Ah ! mon Dieu ! Monseigneur !… Votre Altesse…

Car il avait donné un billet de visite sous le nom de comte de Dœllingen, qui était l’un de ceux qu’il prenait pour voyager incognito. Il demeura quelques moments sans répondre. Il la considérait avec étonnement, dans cette chambre au luxe banal, où des costumes de théâtre étoilés d’or étaient jetés çà et là, sur des chaises. Giulia lui paraissait tout autre, plus belle qu’il ne l’avait jamais vue. Elle était en cheveux, massés à la nuque, une robe brodée écrue, ses gants et son ombrelle sur la table ; et s’occupait à se passer au poignet, un serpent de diamants, en bracelet.

— Vous alliez sortir ? dit Charles d’Este.

— Oui, répondit-elle, j’allais répéter, et elle eut un geste d’insouciance exprimant que rien n’était moins important.

— C’est donc vrai, fit le Duc qui se leva, vous êtes engagée ? et rompant brusquement la glace, il lui dit en la regardant entre les yeux, debout, et les deux mains posées sur la table :

— Eh bien ! je m’en viens vous prier de ne plus désormais chanter que pour moi seul.

Elle demeura impassible, et une faible rougeur témoigna seule de son émotion, pendant la longue pause qui suivit. Était-ce la joie du triomphe ?