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le crépuscule des dieux

quets l’Italienne. Emilia n’en soufflait mot, se contentait (le lui marquer une froideur défiante et hautaine, attendant qu’il en vînt à l’écrin, qu’elle lui renvoya aussitôt. Il essaya de la fléchir ; elle le requit si sèchement d’avoir à discontinuer ses visites, que le comte stupéfié fit le plongeon, et resta quelque temps sans reparaître.

Mais ceux que l’on voyait le moins, c’étaient Hans Ulric et Christiane, que dès le troisième jour de son arrivée, le duc Charles avait relégués à l’extrémité de l’hôtel, de colère contre leur musique.

— Au reste, ils m’en remercieraient, se dit-il ensuite, par réflexion.

Ils semblaient en effet se suffire, n’avoir nul besoin du reste du monde. Leur attachement mutuel qui allait, s’il se peut, plus profondément que le cœur, en mêlant sans cesse tous leurs sentiments, leurs pensées et leurs émotions, ne faisait du frère et de la sœur qu’un seul esprit, une seule âme. On les eût vus rougir ou pâlir au même instant ; Hans Ulric entendait le pas de Christiane, à des distances incroyables ; et si l’un d’eux était absent, l’autre errait, comme à la recherche de soi-même. Personne ne troublait leurs longs tête-à-tête, car la bonne Augusta, qui était nommément dame d’honneur de la jeune comtesse, eût pu s’enrhumer pendant le trajet. Et leur vie se passait ainsi dans une calme et délicieuse intimité. Doués de la