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le crépuscule des dieux

— Ah ! vous voici, monsieur, dit le Duc, et aussitôt il s’excusa d’avoir interrompu ainsi la Valkyrie, et aussi, du lieu et de l’heure de cette audience, — mais nous sommes des fugitifs, répétait-il avec amertume. Il termina en remettant à Wagner, comme gage particulier d’estime, son portrait entouré de brillants, ainsi que la grand’croix de l’ordre du Cheval-Blanc ; puis, interrogeant le musicien :

— La troisième partie de votre poème se nomme Siegfried, m’a-t-on dit, mais quelle est donc la quatrième, monsieur Wagner ?

— C’est le Crépuscule des Dieux, Monseigneur.

Ce titre parut étonner le Duc, et il le répétait entre ses dents, jusqu’à ce que ramené à lui-même, et pour congédier son interlocuteur :

— C’est avec vous, monsieur Wagner, dit-il, que j’aurai eu ma dernière entrevue.

Toute la suite aussitôt monta dans les voitures, en même temps que les deux escadrons accouraient se ranger par derrière. Une immense couleur dorée enveloppait maintenant le ciel ; les pièces d’eau étincelaient, frémissant à des souffles plus vifs ; mille cris d’oiseaux retentissaient. Il y eut une courte pause ; ensuite Hans, le vieux cocher, toucha, et la chaise de s’ébranler.

Mais le Duc, se jetant furieux, au carreau de la portière :

— Brute ! lourdaud ! qui t’a dit de partir ! Crois-