Page:Bourges - Le Crépuscule des dieux, 1901.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
le crépuscule des dieux

Aux éclats de cette voix tonnante, les malheureux s’étaient enfuis, si effarés et si grotesques dans leur course, que le Duc passa une fois encore de la tragédie à la farce, et c’est en se mourant de rire qu’il monta dans la chaise de poste. Puis, avant même d’être assis, il appela M. d’Œls, et donna l’ordre qu’on allât chercher Richard Wagner, où qu’il pût être.

— Mais probablement, dans l’appartement que Votre Altesse Sérénissime a bien voulu lui assigner, à Wendessen.

— Bien ! qu’on le fasse se lever, et qu’on l’amène.

L’aube grandissait à l’est. Une clarté jaunâtre et mouillée montait sans bruit dans le ciel gris. On voyait des oiseaux voleter, et le silence n’était troublé que par l’ébrouement d’un cheval, ou le bruit d’un ongle qui frappait la terre. Les deux escadrons de hussards, désignés pour escorter le Duc, s’étaient rangés sous bois, les lattes dégainées et luisantes à travers les arbres. Les voitures ne bougeaient point. Sur le siège de la chaise de poste, à côté de Hans le cocher, se carrait Arcangeli, examinant du coin de l’œil Emilia, à qui Franz tenait des discours. Les autres, blêmes et frissonnants, marchaient de long en large ; et seule, à l’écart, la Belcredi, drapée dans son large manteau, et qu’Otto regardait de loin, fixait sur tous des yeux profonds et vagues.

En ce moment, Wagner descendait le perron, accompagné du comte d’Œls.