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le crépuscule des dieux

nous ne sommes pas les plus forts, il faut laisser passer la bourrasque.

On discuta sur les moyens, et M. d’Œls étendit les articles à la mesure du déplaisir qu’il voyait qu’en éprouvait le Duc, qui se contint. Il montrait à présent une résignation de théâtre et même un enjouement simulé qui tendait à la grandeur d’âme.

Cependant par tout le château, régnait une activité prodigieuse. Contrainte d’abandonner la place, Son Altesse tenait du moins à y laisser le moins qu’il se pourrait, et sous la conduite de M. Smithson, valetaille et menus officiers emplissaient des caisses énormes, que le Duc avait fait fabriquer pour être prêt à toute aventure. Cent cinquante soldats choisis des chasseurs de la garde, aidaient aux hommes de livrée. On décrochait tableaux, horloges, miroirs d’applique ; on déclouait les tapis précieux, les damas, les lampas, les brocatelles ramagées, les velours ciselés des tentures. Chaises et fauteuils à pieds en spirales, lits antiques à colonnes torses, des cabinets d’ivoire et de lazulite, des paravents à bergerades, des tables, des consoles, jusqu’à des bras de nègre formant torchère, des carreaux de cuir gaufrés d’or et mille bagatelles pareilles, M. d’Œls fit tout enlever, d’après les ordres de Son Altesse, qui eût voulu emporter de surcroît les dorures des murs, les peintures des plafonds et la transparence des vitres. Un flot d’hommes roulaient par les escaliers ; cin-