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le crépuscule des dieux

Ulric frémissant parlait à Christiane en mots rares, émus, et comme mourants sur ses lèvres, et M. d’Œls, au fond de la loge, persiflait le baron de Cramm, lequel fort ventru et grand sueur, ruisselait à faire pitié. Mais un timbre strident appela ; le Duc regagna son fauteuil, où il était à peine assis que, se penchant vers Otto :

— Hein ! mignon, si le feu prenait ! dit-il, avec un rire joyeux.

L’on allait donner maintenant un acte de la Valkyrie, l’un des drames dont est composée la tétralogie de l’Anneau. Wagner avait choisi ce fragment de son grand ouvrage, parce qu’il n’y fallait que trois voix, et que la fable s’en pouvait aisément détacher du plan général. Le bruit s’apaisa peu à peu, l’orchestre fit un court prélude, et le rideau se leva.

C’était une habitation primitive, une tanière de chasseur. Des hures monstrueuses, des peaux d’ours et de loups, des massacres d’aurochs en couvraient les murs ; le tronc d’un hêtre colossal occupait le centre de la chaumière. Au dehors, la tempête hurlait, et une femme, sur la scène, offrait à boire à un guerrier, exténué de fatigue et de soif. On était transporté aux temps légendaires, quand la race des Dieux luttait contre les Nains et les Géants, et que des héros, fils de dieux, conquéraient des vierges à travers le feu. Ensuite, un thème rude éclata, un pas courut précipité, et