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le crépuscule des dieux

compagnie. Puis, l’on traversa un plain-pied de chambres silencieuses, magnifiquement éclairées, superbes en marbres, en plafonds, en peintures, en glaces et en dorures. Otto et Claribel marchaient, sans se quitter la main ; Christiane échangeait par moments, un sourire avec Hans Ulric, et le comte Franz, galamment, lorgnait Emilia Catana, la camériste italienne, qui commençait à lui faire impression. Ils parvinrent ainsi à un dernier salon, fort petit et meublé à la turque. Une porte en rendait sur la loge ducale, et le comte l’ouvrait déjà, quand son maître avant de passer :

— D’Œls, reprit-il, j’y songe ; allez donc ordonner que l’on couvre mes chevaux ; les braves bêtes étaient tout en sueur.

Alors il s’avança dans la grande loge tendue de velours nacarat ; et comme l’orchestre entonnait l’hymne national de 1813, Charles d’Este se découvrit et salua la foule qui l’acclamait. Il avait quarante-cinq ans à cette heure ; assez gros, d’énormes sourcils, un teint brun et rouge bourgeonné, l’air moqueur et féroce, et de petits yeux noirs percés très haut, à la racine d’un nez prodigieux, busqué, qui lui tombait sur une barbe épaisse. Il était en complet uniforme de général blankenbourgeois, les plaques de ses ordres sur la poitrine, épaulettes de diamants jaunes, et à l’épée sept ou huit millions de pierreries. La Toison lui pendait au cou, d’un cordon rouge.