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le crépuscule des dieux

pied et avec les honneurs de princes légitimes, jusque-là que l’on avait pris pour leur baptême la célèbre aiguière d’onyx du sacre des rois de Jérusalem. Le Duc n’attendait qu’une lubie, un moment où il penserait sérieusement à l’avenir, pour avancer à son Otto le titre d’héritier présomptif qui lui transmettrait le duché, — tant avait été fort son amour pour leur mère, assez laide femme cependant, et qu’il aurait sans nul doute épousée, si elle n’était morte avant la duchesse.

Alors parut dans l’avenue, un escadron de chasseurs verts, la lame au clair, trompettes et timbales sonnantes. Ils précédaient un landau magnifique, à six chevaux sous robe gris de fer, portant haut, jetant de l’écume, que conduisaient d’un trot mesuré, deux jockeys de velours et d’or, et un troisième postillon qui tenait le flambeau devant eux. Quatre personnes emplissaient l’équipage. Sur la banquette de devant, se voyait l’un des fils du Duc, le comte Hans Ulric, vêtu de l’uniforme noir de colonel des chasseurs de la garde ; près de lui, sa sœur Christiane ; — et dans le fond, le comte Franz, l’aîné des cinq bâtards de Charles d’Este, tout chamarré de plaques et de cordons, avait sa mère à ses côtés, la Viennoise Augusta Linden, la seule de tant de favorites qui conservât quelque crédit, quoique bien faible, auprès du Duc.

— Christiane ! cria Claribel, en battant des mains, et elle accourut aussitôt se jeter au cou de sa sœur,