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injustices à l’avenir que les Français lui préparaient. Et tout naturellement les nations se trouvèrent d’accord avec les rois pour maintenir à peu près jusqu'à nos jours la politique de l’ancien régime, au moins dans leurs rapports entre elles.

Quelques-unes cependant ont en ce siècle, plus nombreuses qu’en aucun autre, revendiqué et retrouvé leurs droits à l’existence. Mais la date et la forme de leurs succès ne permettent pas de les attribuer aux effets directs de la Révolution française. Beaucoup d’entre elles sont nées de ses excès plus que de ses bienfaits, de la résistance à ses armées autant que de la contagion de ses idées, comme la nation française s’était formée elle-même dans les épreuves de la conquête anglaise. C’est ainsi que dans la Belgique, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne, foulées par les troupes françaises, la communauté de souffrances fit taire les petites rancunes provinciales et naître des sentiments nouveaux, provoqua l’union des cœurs et le patriotisme national, fondements de l’unité matérielle. Pour toutes, l’on vit se réaliser ce qu’Albéroni prédisait à l’Italie et Bismarck à l’Allemagne, à deux siècles d’intervalles : elles se firent par le fer et le feu. Ce fut encore le cas de la Grèce et des nations nouvelles qui ont paru dans les Balkans, enfantées par la longue oppression des Ottomans, favorisées par les projets ambitieux des ÉEtats européens contre la Turquie. Trop chargé d’injustices, ébranlé par le choc des intérêts et des convoitises, l’édifice politique de l’Europe moderne a craqué sur plus d’un point, mais au hasard et par la force des choses, sans qu’une ordonnance harmonieuse réglât les dispositions et les rapports des nations constituées sur ses flancs ou dans son enceinte.

La Révolution et les philosophes avaient conçu et apporté le plan d’une Europe nouvelle. Ils ne l’ont pas réalisée. C’est en vain qu’on s’efforce de nous la montrer, même à l’état d’ébauche depuis 1789. Ce que nous-voyons est encore le dessin général que les hommes du dix-huitième siècle avaient sous les yeux. Dans les partages, les appels à la violence et les intrigues des plus célèbres de notre temps,