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après avoir ruiné la communauté chrétienne du moyen âge et suscité des nations, elle les avait laissées, parfois même les avait mises aux prises les unes avec les autres, à l’image des États italiens qui se constituaient d’après les principes de Machiavel et du monde romain.

On put croire un instant qu’en 1789 les hommes de la Révolution se chargeraient de la tâche abandonnée par les réformateurs du seizième siècle. Ils renonçaient solennellement aux conquêtes, conviaient les peuples à la concorde et à la paix, par la ruine des princes conquérants, sous l’égide de la liberté et des souverainetés nationales. C’était un beau programme de paix et d’attente, d’une application difficile à la politique sans doute, qui en tout temps, et alors surtout, s’est gouvernée par la raison d’Etat plus que par la raison. Mais ne fût-ce que pour concilier les aspirations et les droits des nations, l’essai devait être tenté. Il n’était pas pour rebuter des gens de cœur et de foi. Le moyen de prouver sa valeur pratique était de le pratiquer.

C’est justement ce que ne firent pas les Français. Au lieu de travailler dans la paix, ils commencèrent la guerre. Et de cette guerre aux royautés, pour le triomphe du droit national qu’ils proclamèrent en 1792, ils se forgèrent une arme pour leurs discordes civiles, destinée à frapper surtout la royauté française, puis leurs adversaires politiques. Ce qui pouvait être une fin très élevée devint un moyen d’intrigue. L’œuvre de justice et de pacification fut un instrument de violence et de conquête. Les républicains, pour établir en France la souveraineté nationale, adoptèrent les procédés qu’ils reprochaient aux monarchies, le complot, l’abus de la force et les ressources d’État. Ce fut de leur part, à deux siècles d’intervalle, la même erreur que celle des réformateurs du seizième siècle placés entre une société dont ils prétendaient corriger les vices concrets et anciens et leur programme de réformes, abstrait, général, ils se trouvèrent amenés, de gré ou non, à vicier leurs idées, dès qu’ils voulurent les réaliser. Bientôt même, par l’effet des terreurs