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États, représentants du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, jouissant d’institutions démocratiques qui, en faisant dépendre la paix de la volonté directe des citoyens, diminuaient singulièrement pour l’avenir les risques de conflit.

Le même mouvement avait amené non seulement la résurrection des nationalités opprimées, mais la réunion, dans une même unité politique, de races jusqu’alors morcelées par la violence.

Enfin, un fait, d’une importance capitale, avait achevé de donner à la victoire des nations libres sa véritable signification. De l’horreur de quatre années de guerres avait surgi, comme une suprême protestation, une idée nouvelle qui s’imposait d’elle-même aux consciences : celle de l’association nécessaire des États civilisés pour la défense du droit et le maintien de la paix. La Société des Nations, annoncée dès 1899 et 1907 par les Conférences de la Haye, devenait, par le Pacte du 28 juin 1919, une vivante réalité.

Mais, nous apporte-t-elle enfin une organisation durable de la paix ? Ou bien allons-nous retrouver, au moment même où nous croyons toucher au but, les obstacles auxquels se sont heurtés, depuis des siècles, les longues théories de ces pèlerins de toutes races, de toutes croyances, de toutes civilisations, s’efforçant, toujours en vain, de s’élever vers l’idéal de la paix ?


II


Pour répondre à cette question, qui porte en elle toute l’angoisse de l’humanité, il nous faut remonter non pas seulement à l’histoire des peuples, mais à celle de l’homme lui-même, de l’individu chez qui les passions ne sont pas différentes de celles des collectivités et dont on est certain de retrouver tous les penchants, bons ou mauvais, comme dans un miroir agrandi, lorsque l’on cherche à comprendre les causes des révolutions de l’humanité.

Les passions humaines, comme les forces de la nature, sont éternelles. Il ne s’agit point de les nier ; il faut les mesurer et les comprendre. Comme les forces de la nature, elles peuvent être soumises à la volonté réfléchie de l’homme ; elles peuvent être mises au service de la raison. Nous retrouverons leur action dans les luttes des États comme dans celles des individus et nous comprendrons, enfin, que les moyens par lesquels celles-ci peuvent être vaincues sont seuls susceptibles de vaincre celles-là.

Affirmer qu’il est possible d’établir la paix entre les hommes des différentes Nations, c’est simplement affirmer que l’homme, quelles que