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LES RAISONS DE VIVRE DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS

Communication de
M. Léon Bourgeois
au Comité Nobel du Parlement norvégien


Messieurs,


Il y a quelques semaines, M. Branting venait à Christiania s’acquitter de l’obligation imposée à tous les titulaires du Prix Nobel de la Paix. Je m’excuse de n’avoir pu, l’an dernier, faire de même. L’état de ma santé ne m’a pas permis d’accomplir le voyage de Norvège et j’en ai éprouvé le plus profond regret.

J’ai su, par M. le Président, que vous m’autoriseriez à vous adresser, par une communication écrite, le témoignage de ma reconnaissance et l’exposé des idées dont j’aurais voulu vous apporter l’expression de vive voix. Je vous en adresse, Messieurs, mes bien vifs remerciements.

I


Je suis pleinement d’accord avec M. Branting sur les idées qu’il vous exposait ici, au mois de Juin dernier. Avec une grande clairvoyance, il a analysé et ramené à sa mesure vraie « l’immense déception » que la Grande Guerre de 1914-1918 avait fait naître dans les esprits. Certes, ce brusque déchaînement d’un cataclysme, sans égal dans le passé, avait paru donner un démenti formel aux espérances que Nobel avait fait naître, lorsqu’il avait fondé le prix de la Paix ; mais, au découragement qui s’était emparé tout d’abord de l’opinion, M. Branting opposait les raisons de confiance que l’on pouvait quand même tirer de la catastrophe. Il montrait qu’il y avait, dans la cruelle époque que nous avons traversée, sous les ruines accumulées, trop de promesses de renouveau pour que l’on pût considérer la période actuelle comme une période de régression.

La victoire avait été, avant tout, une victoire du droit et de la civilisation. L’écroulement de trois grandes monarchies, principalement fondées sur la puissance militaire, avait donné naissance à de jeunes