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chacun des États, l’un quelconque d’entre eux pourrait se trouver, malgré lui, sans son consentement explicite, entraîné par surprise à quelque action militaire.

Dans le difficile problème de la limitation des armements, jamais ni le Conseil ni l’Assemblée n’ont cru qu’il serait possible de statuer sans l’adhésion expresse de chacun des États. Chacun reste libre de définir et de fixer les conditions de sa sécurité nécessaire, intérieure ou extérieure. De même chacun reste libre de donner ou de refuser son consentement à toute action militaire concertée. La seule sanction qui puisse, en dernière analyse, résulter des dispositions du l’acte, est la renonciation au bénéfice de la Société des Nations.



Ce n’est certainement pas en un jour que l’esprit des peuples sera suffisamment pénétré des vérités essentielles que nous nous sommes efforcés de définir. Il y faudra du temps, une propagande incessante et la constatation des résultats heureux de l’association.

Il s’agit ici de la seule propagande qui soit véritablement efficace, de celle qui — suivant une expression qui a été bien souvent employée dans un sens détestable, que nous voulons retourner, nous, dans le sens le meilleur et le plus élevé — peut être appelée : la propagande par le fait. Le fait dont il s’agit de pénétrer les esprits, le fait assez puissant pour triompher des préjugés, pour vaincre les résistances, pour désarmer les mauvaises volontés, c’est le fait de la vie internationale elle-même.

Il y a, dès maintenant, dans le monde, une vie internationale tellement complexe, tellement puissante, que nul ne peut, désormais, tenter de se soustraire à son action. Défense de la santé publique, facilité des transports, abaissement des barrières douanières, organisation internationale du Crédit : autant de terrains sur lesquels il est impossible à aucun État, quelque puissant qu’il soit, de prétendre rester étranger.

Quelque grande que soit l’Amérique, quelque étendue que soit sa puissance industrielle et commerciale, elle n’a pas souffert du chômage moins que les États d’Europe.

Il suffit de signaler les effroyables effets de la spéculation sur le change pour voir à quel point il est dorénavant impossible d’établir sur aucun point du Monde une cloison étanche pour arrêter le flux des mouvements internationaux.

Donner, par la constitution des organes de la vie internationale, l’exemple de la nécessité de cette vie même ; apprendre à vivre en