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communauté de sentiments et de pensées, un développement sinon tout à fait égal, du moins suffisamment analogue, pour que soient comprises les vérités de l’ordre international et soient admises les règles qui procèdent à leur développement.

Il faut, ensuite, que chacune des règles ainsi consenties l’aient été véritablement par la volonté libre de chacune des Nations, que si des sanctions ont été prononcées, au cas de violation de quelqu’une de ces règles, ces sanctions aient été consenties comme les règles elles-mêmes et qu’aucun des États ne puisse se plaindre qu’il ait été, malgré lui, entraîné dans une action collective qu’il n’aurait pas préalablement acceptée.

Il faut, enfin, qu’il y ait, au milieu du monde, pour définir, dans chaque cas particulier, le droit international et pour en régler l’application, un tribunal dont l’impartialité soit au-dessus de toute contestation, dont l’autorité morale s’impose à raison de la valeur scientifique et de la haute moralité des magistrats qui le composent.

Si ces trois conditions sont réunies, et toutes les trois, on le voit, répondent, en somme, à la même condition première : le consentement libre de chacun des contractants, une Société des Nations pourra vivre avec une souplesse suffisante pour que chacun se trouve à l’aise dans ses cadres et une force morale également suffisante pour que nul ne puisse songer à se dérober à ses décisions.



Nous disons une force morale. Nous n’entendons pas exclure ainsi, dans les cas extrêmes, la nécessité de l’emploi d’une force matérielle à l’égard des États qui se seraient rendus coupables d’une violation du Pacte, mais nous entendons réserver cette force matérielle comme une ultima ratio, et nous sommes persuadés que si elle est, dans certains cas, nécessaire, elle ne doit être employée que si l’on se trouve en présence d’un acte de violence ou d’agression indiscutable et si c’est, pour ainsi dire, avec le consentement universel que l’État violateur se sera trouvé condamné.

Au surplus, le sens de l’article 10 et des articles 12, 13, 15 et 16 du Pacte de la Société des Nations n’est nullement contraire à l’interprétation que nous en avons donnée. Nos amis d’Amérique ont exprimé la crainte que l’article 10 put entraîner leur pays dans des opérations militaires auxquelles il n’aurait pas consenti. Certes, l’article 10 édicte une garantie générale de l’intégrité du territoire de chacun des États associés, mais aucun des articles suivants ne permet de conclure que, sans la libre acceptation des organes de la souveraineté nationale de