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considération individuelle ou nationale, antérieur et supérieur aux variations de l’opinion, qui sera le témoin, l’impartial enregistreur des prétentions en présence et qui, par l’indépendance absolue, par le caractère indiscutable de son témoignage, apaisera les passions, désarmera les mauvaises volontés, découragera les ambitions illusoires et créera l’atmosphère de confiance et de calme où, seulement, pourra naître et se développer la plante fragile de la paix.

Ce droit, arbitre souverain et sans appel, existe-t-il en fait ?

L’histoire des derniers siècles nous permet de répondre affirmativement.

Il existe bien, désormais, un droit international dont la doctrine est certaine et dont la jurisprudence n’est contestée par aucun pays civilisé. Le 19e siècle, qui ouvrit les Conférences de La Haye et provoqua, sur les sujets les plus divers, de nombreuses Conférences internationales, a vu s’en multiplier les applications. Si les violations de ce droit, en 1914 et pendant les années de guerre, ont été malheureusement trop évidentes, la victoire en a fait justice ; si elles devaient se reproduire un jour, il faudrait vraiment désespérer de l’avenir de l’Humanité.

D’abord purement théorique et doctrinal, le droit international s’enrichit peu à peu par de nombreuses conventions où se trouvent, en fait, réglées juridiquement, les obligations essentielles, celles qui peuvent être définies avec précision, qui peuvent être codifiées, rendues légalement obligatoires et soumises à des sanctions. Le cadre de ces conventions ne cesse de s’élargir ; il se pénètre peu à peu des idées morales qui constituent ce que j’ai appelé, dans une étude récente, la morale internationale ; il s’étend à tout ce qui touche à la vie, à la santé, au bien-être matériel et moral de tous les humains.

Le droit international existe donc.

Mais peut-on espérer qu’il trouvera dans une organisation juridique, également souveraine, un interprète fidèle et, comme lui, placé au-dessus de toutes les passions ?

L’histoire toute récente des délibérations de la Société des Nations, la création de la Cour de justice internationale, nous permet de donner encore une réponse affirmative à cette seconde question.


IV


Résumons les trois conditions auxquelles paraît devoir être subordonnée une organisation internationale correspondant à l’état actuel de la civilisation.

Il faut, d’abord, qu’il y ait entre les États associés une suffisante