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pendance : Tchéco-Slovaques, Danois, Belges, Slaves et Latins ont retrouvé le droit de se gouverner eux-mêmes ou sont retournés à leur mère-patrie.

En Asie même, à l’heure où nous parlons, un grand effort est fait pour trouver, entre les droits historiques des différentes races, un équilibre durable dans la légalité et la paix.

Est-ce à dire que, soit en Europe, soit dans les autres parties du monde, toute cause de trouble ait disparu ? Nous sommes loin d’avoir une confiance aveugle dans l’avenir et nous avons sous les yeux des preuves trop évidentes, des manifestations de troubles trop certains pour que nous songions à les nier.

D’une part les puissances qui ont été vaincues dans la grande guerre n’ont pas suffisamment consenti au désarmement moral qui est la condition première de toute pacification. Des minorités turbulentes, de caractère incertain, trop faibles pour constituer des États véritables, révoltées contre la grande majorité des citoyens d’une même région, cherchent leur appui en dehors des frontières naturelles où s’alimente la vie commune et risquent de créer des foyers d’agitation et de violence où devrait régner une tolérance réciproque et se fonder une mutuelle solidarité.

D’autre part, des mouvements artificiels s’élèvent qui cherchent à franchir les bornes de chacun des États et tendent à grouper, dans des mélanges inorganiques, les peuples les plus divers ; mouvement pangermaniste, mouvement panislamique, mouvement pannoir, fondent leur raison d’être tantôt sur l’unité de langue, tantôt sur l’unité de croyance religieuse, tantôt sur l’unité de couleur, et ne sont que des éléments de menace pour la paix générale. Il y a dans ces agglomérations sans mesure un danger grave ; quelque chose d’essentiel leur fait défaut : la véritable unité de vie, la conscience supérieure d’une destinée commune.

Tout cela, du reste, peut n’être que passager ; il semble qu’il s’agisse surtout des convulsions dernières du cataclysme qui a bouleversé le monde.

Mais il y a quelque chose de plus profond dont il faudra toujours tenir compte dans une organisation internationale, quelle qu’elle puisse être. M. Branting, dans la communication qu’il vous faisait il y a quelques mois, montrait qu’entre l’Internationale des classes telle que certains congrès socialistes l’ont envisagée et la véritable Internationale des Nations, il y avait un abîme, que, par celle-ci seulement, la paix pouvait être véritablement organisée entre tous les hommes, au lieu d’être