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et en retardent la disparition ; l’échec, même en Russie, des systèmes d’organisation communistes qui prétendent imposer à la liberté et à l’initiative de l’individu des barrières infranchissables ; enfin, l’ensemble des institutions sociales d’assistance, de prévoyance et de solidarité qui mettent le devoir en regard du droit de chacun et, d’une manière générale, la conception d’une justice de plus en plus humaine où la responsabilité des fautes de l’individu ne sera plus séparée de la responsabilité de la Société elle-même : tous ces faits préparent, dans chacune des Nations, la révolution intellectuelle dont nous avons parlé et amène les peuples à concevoir et à comprendre la supériorité, bientôt même la nécessité d’institutions internationales où les mêmes principes seront reconnus et appliqués.

Il reste, il est vrai, en dehors du mouvement qui emporte les civilisations vers cet état supérieur de conscience, des territoires immenses où les populations, tenues depuis des siècles dans l’esclavage ou la servitude, n’ont point encore reçu les premiers rayons de l’idée rénovatrice et pour lesquelles s’impose une période, sans doute assez longue encore, de culture intellectuelle et morale.

Mais c’est déjà un fait nouveau et considérable que les Nations civilisées, comprenant « leur mission sacrée de civilisation », aient, aux termes de l’article 22 du Pacte, accepté de se charger envers ces peuples arriérés d’un mandat d’éducation, « afin de les rendre capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne ».



Ce n’est pas seulement au point de vue de l’ensemble des institutions et des mœurs, mais c’est aussi au point de vue purement politique, au point de vue de la carte même de l’Europe et du monde qu’un progrès s’est réalisé.

Lorsqu’en 1899, la Conférence de La Haye, réunie sur la convocation du Tsar, posa, devant l’Univers civilisé, le problème du désarmement et de la paix et prononça pour la première fois le nom de « Société des Nations », il était à priori certain que le problème ne pourrait pas être résolu à cette date. La géographie politique de l’Europe était, sur trop de points, fondée sur la violation du droit des peuples. Comment aurait-on pu prendre son état comme la base de l’organisation d’une paix conforme à ce droit ?

Aujourd’hui, la guerre a permis de faire disparaître le plus grand nombre des injustices d’alors. En Europe, l’Alsace-Lorraine a été rendue à la France ; la Pologne a été reconstituée dans son unité et son indé-