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L’ascension de l’animal à l’homme s’est prolongée par l’ascension de l’Humanité, de la barbarie à l’ordre, de la violence à la paix : et c’est de même la raison qui amène enfin l’homme à formuler, sous le nom de droit, des limites que chaque homme doit s’abstenir de franchir s’il veut demeurer digne de rester dans l’état de société.



Ce sont les religions qui, tout d’abord, ont formulé le droit. Il en est résulté que ce droit n’était reconnu qu’au profit de ceux qui pratiquaient le même culte et semblaient des égaux protégés par les mêmes dieux. Pour les sectateurs de tous les autres cultes, il n’y avait ni droit ni pitié. C’est la période des divinités implacables, de Baal et de Moloch ; c’est encore celle de Jéhovah ordonnant à son peuple l’extermination des vaincus.

La philosophie grecque élève pour la première fois, au-dessus du monde, le flambeau de la raison. Elle aboutit au stoïcisme où tous les hommes sont égaux et « sont les membres d’un seul corps », où la volonté humaine, réglée par le droit, est proposée à l’homme comme le moteur suprême de son activité.

Cette doctrine de la volonté humaine se traduit dans le droit romain de l’Époque impériale par cette admirable théorie des obligations qui fait dépendre, dans le droit privé, la validité des contrats du libre consentement des contractants.

Mais que de chemin à parcourir encore entre ces affirmations du droit privé et la reconnaissance du même droit comme règle suprême de la politique des Nations !

Le christianisme vient, à son tour, donner au sentiment de pitié qui s’était spontanément développé chez les hommes une forme et une puissance inconnues jusqu’à lui.

Ce que prêche la doctrine du Christ, c’est l’amour des hommes tous considérés comme frères ; c’est la condamnation de la violence : « celui qui se servira de l’épée périra par l’épée » ; c’est la communion chrétienne supérieure à toutes les nationalités et ouvrant aux Gentils, c’est à dire aux Nations de toute la terre, l’espérance d’une vie meilleure où la justice, enfin, régnera.

Le Moyen-Âge, tout entier, est l’historié du développement de cette doctrine et l’effort de la Papauté marque, pendant plusieurs siècles, la volonté persistante de faire descendre sur la terre, sinon la justice elle-même, qui semble encore au delà des forces humaines et qu’on remet au « jugement de Dieu », du moins une paix relative et temporaire, « la trêve de Dieu,