Page:Bourgeois - Le spectre du ravin, 1924.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.

aussi munie de panneaux disposés dans l’ordre voulu. J’ai vu un monumental escalier (sans marches il est vrai) mais pourvu d’une rampe du plus beau travail, qu’on eût dit faite de main d’homme…

Jean, Maurice et Max, Léo les suivant, arrivèrent à un endroit où d’immenses colonnes formaient comme une arche de trente pieds de longueur. On eût dit qu’on pénétrait dans une église.

— Vois ces colonnes, dit Jean à Max. N’est-ce pas qu’elles sont imposantes ?… Ces colonnes aussi, sont le travail de l’eau suintant à travers les rochers, depuis des siècles et des siècles. Cette matière cristallisée que tu vois sur le sol, Max, continua-t-il, on la nomme stalagmite ; or, les stalactites et les stalagmites, dans cette partie du souterrain, se sont rejointes et ont formé ces imposantes colonnes.

— Que c’est extraordinaire ! Que c’est beau ! s’écria l’enfant.

— N’oublie jamais ce que tu as vu aujourd’hui, petit ! reprit Jean.

— Il n’y a pas de danger que j’oublie jamais, mon oncle Jean ! répondit Max, qui n’avait pas les yeux assez grands, lui semblait-il, pour admirer toutes ces merveilleuses choses.

— Halte ! cria Maurice, tout à coup.

Maurice avait pris le devant, pendant que son ami donnait à Max cette leçon de choses ; mais il venait de s’arrêter… sur le bord d’un précipice… Un pas de plus, et il s’y fut précipité.


CHAPITRE XIX

LES PÉRILS D’UN SOUTERRAIN


— Il y a un précipice ici ! Prenez garde ! cria Maurice.

Le sol du souterrain tombait soudainement, en effet, et Jean dut procéder au sondage, encore cette fois.

— Une vingtaine de pieds, annonça-t-il.

Mais, comme le rocher descendait en pente assez douce, on se laissa glisser jusqu’au bas comme on l’avait fait en quittant le « Manoir-Roux » et, cette fois aussi, on se trouva dans un long passage, qu’on se disposait à suivre, quand Maurice dit, tout à coup :

— Quelle heure peut-il bien être ?… Voilà longtemps que nous marchons ; il ne doit pas être loin de midi.

— Si j’en juge par la faim dont je suis tiraillé depuis près d’une heure, répondit Jean, en riant, s’est, dans tous les cas, le temps de dîner !

— Midi moins le quart, annonça Maurice. Mangeons !

On mangea de bon appétit, puis Maurice offrit un cigare à Jean.

— Avez-vous remarqué comme l’air est tout à fait respirable dans ce souterrain, Bahr ? demanda Maurice, pendant que lui et Jean fumaient.

— Oui, je l’ai remarqué. On ne ressent pas cette oppression qui existe toujours, dit-on, sous le sol. Probablement que ce souterrain est le lit d’une ancienne rivière et…

— Et il ne serait pas du tout surprenant qu’on arrivât bientôt à l’air libre, selon moi. Je ne crains qu’une chose, Jean ; c’est que nous n’approchions pas du but de notre excursion. Je me demande si nous ne faisons pas le tour du Rocher aux Oiseaux, dans ce souterrain, et si nous n’arriverons pas ainsi… sous le salon du « Manoir-Roux », notre lieu de départ.

— J’espère que non ! s’écrit Jean. Léo ! Léo ! Viens ici, Léo ! s’interrompit-il, car Léo s’était avancé jusqu’à l’endroit où s’arrêtaient les rayons de la lumière projetée par les fanaux, puis, à un moment donné, on ne l’aperçut plus.

— Léo ! Léo ! appela, de nouveau Jean.

Le chien accourut alors, tenant dans sa gueule ce qui paraissait être un chiffon de papier. Jean s’empara du chiffon en s’écriant :

— Voyez donc, Leroy ! Un chiffon de papier !…

— Un chiffon de papier… dans ce souterrain !

— Mais… non… c’est un carreau de toile !… C’est un mouchoir ! s’exclama Jean.

— Hein ! Un mouchoir ! Impossible ! dit Maurice.

— Je vous dis que c’est un mouchoir ! cria Jean. De plus — ciel ! — c’est un mouchoir appartenant à Marielle !

— Vous vous trompez, mon pauvre Jean ! dit tristement Maurice. Le désir de retrouver votre chère fiancée…

— Voyez, Maurice ! Voyez : son nom à Marielle est brodé dans un coin de la toile !… Marielle ! Marielle ! disait Jean, la voix couverte de sanglots.

— Alors… balbutia Maurice, Mlle Marielle… Elle est donc véritablement passée par ici !

— Oui, mon ami… et nous la retrouverons !

— Nous sommes donc à le recherche de Mlle Marielle ? demanda Max.

— Oui, mon petit, répondit Jean. Nous sommes à la recherche de Marielle. Et puisse Dieu nous conduire vers elle !

— Moi, mon oncle Jean, je vais promettre un chapelet en entier, sans en passer un seul « Ave », si nous retrouvons Mlle Marielle, dit Max.

— Bien, mon garçon ! dit Jean. Maintenant, continuons notre chemin !

Le passage semblait se dérouler à l’infini, et c’est d’un pas alerte qu’on le suivait. Certes, on ne marchait pas, dans ce souterrain, comme sur les planchers de nos maisons ; ce n’étaient que des montées et descentes. On ne suivait pas, non plus, un chemin droit ; au contraire, on ne faisait que tourner, soit à droite, soit à gauche.

— Voici que la voûte s’abaisse considérablement, fit, tout à coup remarquer Maurice.

— C’est vrai ! répondit Jean. Je l’ai remarqué, moi aussi.

Bientôt, la voûte fut si basse qu’on ne put la parcourir qu’à genoux.

Soudain, tous s’arrêtèrent d’un commun accord, car ils se trouvaient dans une grande perplexité : deux chemins les confrontaient, dont l’un allait à droite et l’autre à gauche… Lequel prendre ?… Jean et Maurice se regardaient sans parler… Que faire ? Que faire ?…

— Est-ce le chemin de droite que nous prenons, mon oncle Jean ? demanda Max.

Cela régla la question ; autant le chemin de droite que celui de gauche !

À peine furent-ils lancés dans le chemin de droite, que les explorateurs s’aperçurent qu’ils pénétraient dans un étroit boyau, boyau qui, en certains endroits, aurait pu être désigné du nom de tuyau. Ils durent ramper sur les genoux