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Entrant dans le salon, Jean et Maurice soulevèrent la pierre du foyer. Max fut bien étonné, et même un petit cri s’échappa de sa bouche quand, s’étant penché, il vit l’abîme que cachait la pierre.

— C’est par là que nous allons, Max, dit Jean à l’enfant. Si tu as peur cependant…

— Peur ! Non, mon oncle Jean. Je n’ai pas peur d’aller n’importe où… avec vous et M. Leroy.

— Je marcherai le premier, dit Jean, et vous, Maurice, le dernier, Max tu marcheras entre M. Leroy et moi. Allons !

Ce disant, il s’assit sur le bord du précipice, et saisissant Léo dans ses bras, il se laissa glisser jusqu’au bas.

— Tout, va bien ! cria-t-il, alors. À ton tour, Max ! Ne crains rien ; ce n’est qu’une petite glissade, plutôt agréable !

— Je n’ai pas peur, mon oncle Jean ! répondit Max, qui, à son tour, se laissa glisser le long de la pierre.

— Maurice, dit Jean ensuite, je vais clouer un bout de ficelle au plancher du salon et nous déroulerons cette ficelle tout en marchant. Vous viendrez nous rejoindre après avoir remis la pierre du foyer à sa place, n’est-ce pas ?

— Compris ! répondit Maurice.

Quand Maurice fut rendu auprès de ses compagnons, lui et Jean se mirent à examiner la partie du souterrain où ils se trouvaient. Un chemin droit, dans lequel on pouvait marcher sans même se pencher, se présentait à leurs yeux ; sans hésiter, ils s’y engagèrent. Léo les précédait, comme pour leur montrer la route. Mais le chien ne précédait les excursionnistes que de quelques pas ; un chat voit parfaitement bien ; dans l’obscurité, un chien, point. Léo ne pouvait s’aventurer que dans l’espace qu’éclairaient les fanaux.

Pendant assez longtemps, on chemina dans le chemin droit, puis on arriva au pied d’un rocher qui semblait fermer le passage complètement.

— Prends mon fanal, Max, dit Jean, et va explorer ce rocher. Il doit y avoir une fissure quelconque. Ne t’éloigne pas hors de la portée de ma voix, cependant. Si tu trouves une ouverture à ce rocher, appelle-nous, et nous irons te rejoindre.

Max s’empara du fanal que Jean lui tendait et il se mit à examiner le roc. Bientôt, il appela Jean et Maurice.

— Par ici, mon oncle Jean ! Par ici, M. Leroy ! Il y a une fissure ; mais elle est bien étroite, et je crains que vous ne puissiez y passer !

— Bien, Max, répondit Jean ; nous allons te rejoindre.

C’était une étroite fissure en effet ; impossible à Jean ou à Maurice de passer par là. Il allait falloir se servir du pic pour se frayer un passage. Auparavant, cependant, il faudrait savoir si ce chemin se continuait, en arrière de ce mur.

— Max, dit Jean, tu vas aller voir ce qu’il y a derrière ce mur et nous dire si nous pouvons poursuivre notre route par là. Donne-moi le fanal, afin que je puisse t’éclairer, ensuite, je te le remettrai, pour que tu puisses explorer à l’aise.

Max se glissa dans la cavité et aussitôt, un cri d’étonnement se fit entendre. Au bout de quelques minutes, l’enfant revint trouver Jean et Maurice et leur dit :

— Que c’est beau, de l’autre côté de ce mur ! Il y a un dôme, comme en en voit sur les images des grandes cathédrales… et puis, il y a des tableaux…

— Des… quoi ? demanda Maurice.

— Des tableaux, M. Leroy… J’ai vu un tableau représentant un naufrage, et la Sainte Vierge qui apparaît aux naufragés…

— As-tu vu s’il y avait un passage pouvant conduire en quelque part, Max ? demanda Jean.

— Oui, mon oncle Jean, le dôme se continue au loin, au loin…

Jean saisit le pic et se mit à attaquer le roc, qui, étant très dur, s’enlevait par parcelles seulement. Lui et Maurice, à tour de rôle, maniaient le pic, et ils durent travailler bien au-delà d’une heure, avant de parvenir à ouvrir un passage assez grand pour qu’ils pussent y passer.

Enfin, ils pénétrèrent dans la salle du dôme et un cri d’admiration s’échappa de leurs poitrines. On eût dit que cette partie du souterrain avait été taillée dans le cristal le plus pur : le dôme, qui avait près de dix pieds de haut, les murs, et même le sol étaient recouverts de stalactites et de stalagmites, et les deux jeunes gens aperçurent, non seulement le tableau du naufrage, qui avait tant impressionné Max, mais aussi d’autres tableaux et des statues dessinés un peu partout.

— Mon oncle Jean, demanda Max, qui a fait ces beaux tableaux et ces belles statues ?

— Ce sont les stalactites, mon garçon, répondit Jean. As-tu déjà entendu parler de ces artistes ? demanda-t-il, en riant.

— Mais, non, répondit l’enfant.

— Les stalactites, Max, dit Jean, ce sont des gouttes d’eau, tout simplement.

— Des gouttes d’eau ! s’écria Max. Je ne comprends pas… ajouta-t-il. Comment des gouttes d’eau pourraient-elles dessiner et sculpter des tableaux et des statues ?

— L’eau, coulant goutte à goutte, à travers le sol, se pose sur les pierres des souterrains, puis cette eau s’évapore, mais non sans avoir déposé sur le roc les molécules calcaires… Ainsi, Max, ces tableaux, ces statues et aussi ces colonnes et piliers que tu vois, sont de l’eau cristallisée… N’est-ce pas que l’eau est un fameux artiste, Max ?… C’est elle qui a dessiné toutes ces choses que tu admires tant ; c’est elle qui a orné cette voûte et ces murs ; c’est elle qui a fait de cette partie du souterrain un vrai palais de cristal.

— Ô mon oncle Jean ; s’écria Max. Si un autre que vous me disait cela, je ne le croirais pas !

— Oui, c’est admirable le travail que fait l’eau suintant, goutte à goutte, sur les rochers. Un voyageur m’a dit avoir vu, dans un souterrain, en Belgique, souterrain éclairé à l’électricité, les plus extraordinaires stalactites imaginables. Il a vu un splendide tableau du jugement dernier, il a vu des Madones admirablement sculptées, il a vu des colonnes aux plus artistiques dessins, servant de piédestaux à des paniers remplis de fleurs, il a vu des vases renversés, des colonnes brisées… que sais-je encore ?…

Pour ma part, j’ai vu, dans une caverne, une porte au parfait encadrement ; cette porte était