Page:Bourgeois - Le spectre du ravin, 1924.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Deux lits simples avaient été mis dans l’ancienne chambre de Pierre Dupas ; celle qu’avait, ensuite occupée Louise Vallier. Jean et Maurice occupaient cette pièce, qui était aussi grande que celle qui avait été allouée à M. Jambeau.

Max occupait la chambre voisine de celle de Nounou. On n’a pas oublié cette chambre et de l’incident dramatique la concernant. Marielle avait occupé cette pièce, défense avait été faite à Max de toucher à quoi que ce fut ; les mille riens qu’elle contenait avaient appartenu à Marielle et pour M. Jambeau, pour Jean, pour Maurice et pour Nounou c’étaient des sortes de reliques.

Le « Manoir-Roux » ayant été construit pour braver toutes les saisons, on était assuré d’y passer confortablement l’hiver qui commençait.

Un soir, alors que tous étaient réunis dans la chambre de M. Jambeau pour y passer la veillée, parce que le pauvre invalide souffrait de rhumatisme et ne pouvait descendre dans la salle, Jean dit :

— Mes amis, à nous tous, nous devrions pouvoir découvrir le mystère de la disparition de Marielle, ce me semble… Marielle a disparu, comme si elle se fut effondrée sous le sol… Où est-elle ?… Où est-il notre ange ?… Qu’est devenue la Reine du Rocher ?…

— Hélas, Jean, répondit M. Jambeau, c’est si étrange cette disparition, que je suis tenté de croire la rumeur qui a couru sur l’île, dans le temps.

— Et cette rumeur ? demanda Jean. Quelle est-elle, M. Jambeau ?

— On disait que Marielle avait été délivrée par un ange… et que cet ange c’était Bébé Guy.

Personne ne sourit, même, à ces paroles de M. Jambeau ; seulement, Jean répliqua gravement :

— L’ére des miracles de cette sorte est passée… et Marielle… Qu’en pense Nounou ?

— En effet, Nounou ! dit Maurice, en s’adressant à la vieille servante. C’est vous qui, la dernière, l’avez vue et lui avez parlé… racontez-nous donc, et sans omettre un seul détail, ce qui s’est passé entre vous et Mlle Marielle ?

Nounou raconta tout… Quand elle parla de l’incident du coffret, Jean s’écria :

— C’est la première fois que j’entends parler de ce coffret, Nounou !

— Moi aussi ! dirent, en même temps M. Jambeau et Maurice.

Et vous dites que ce coffret contenait mille dollars, Nounou ?

— Oui, M. Bahr, mille dollars.

— Vous dites aussi que le coffret avait disparu, contenant et contenu, en même temps que Marielle ?

— Le coffret a disparu, en même temps que Mlle Marielle, je l’affirme ! répondit Nounou. M. Rust ne s’en est même pas aperçu ; mais moi, j l’ai remarqué tout de suite.

— C’est singulier ! s’exclamèrent-ils tous.

— Mon oncle Jean, dit tout à coup Max, vous m’avez dit souvent que Mlle Marielle était un ange… Ne peut-elle pas s’être envolée au ciel ?

Tous sourirent tristement à la question naïve de l’enfant.

— Mais… le coffret, M. Max ? demanda Nounou.

— Ah ! c’est vrai… le coffret… murmura Max.

— Marielle ne peut pas avoir quitté l’île, affirma Jean. Les chaloupes ont été comptées (il n’y en a que trois, d’ailleurs) et elles étaient toutes amarrées solidement… Non, Marielle n’a pas quitté le Rocher aux Oiseaux…

— Mais, Jean !… dit Maurice, il est impossible que…

— Marielle n’a pu quitter l’île, je le répète, Maurice…, où est-elle ?… Elle a mystérieusement disparu du salon, dont la fenêtre avait été clouée à l’extérieur… M. Rust a monté la garde toute la nuit devant la porte du salon, et il avait la clef de cette porte sur lui… J’ai même appris, depuis, que le Docteur Jasmin avait passé la nuit couché sur le canapé qu’il y a dans la salle… Comment ma bien-aimée a-t-elle pu s’enfuir ?… Oh ! que je voudrais le savoir !

Ah ! que n’eussent-ils donné tous ces braves gens qui aimaient tant Marielle, pour découvrir le secret de sa mystérieuse disparition !


CHAPITRE XVII

LE SALON DU MANOIR-ROUX


Jean passait bien des heures assis dans le salon du « Manoir-Roux », essayant d’approfondir le mystère de la disparition de Marielle. Ce salon était plus long que large. Au fond de la pièce était le piano, puis deux chaises. Sur un pan du mur, du même côté que la porte, était un canapé ; sur ce canapé le policier Rust avait vu Marielle endormie. Faisant face à la porte était un immense foyer. Près du foyer il y avait deux fauteuils. Près de la fenêtre était une petite table servant de piédestal à une statuette. Jean, lui aussi avait sondé les murs et le plafond du salon. Il avait aussi examiné le foyer ; mais ce foyer n’était là que par ornement, et la cheminée en était complètement bouchée de pierres et mortier.

Un après-midi, alors qu’il était dans le salon, Jean entendit gratter à la porte et, machinalement, il alla ouvrir. Léo entra en gambadant.

— Léo, dit Jean, en s’adressant à son chien, si je pouvais me fier à ton instinct pour retrouver Marielle !… Marielle ! Marielle ! disait-il, car Léo comprenait bien ce nom. Marielle, Léo, cherche, cherche !

Le chien fit le tour du salon, puis il revint, tout piteux, se coucher aux pieds de son maître.

— Tu ne peux pas, toi non plus, découvrir par où elle a disparu, hein, pauvre Léo ?… Cherche encore ! Bon chien ! Cherche, cherche encore ! Marielle ! Marielle ! Cherche, Léo, cherche !

Encore une fois, Léo fit le tour du salon ; mais, cette fois, il retourna près du foyer et il se mit à gratter la pierre, en faisant entendre de petits gémissements plaintifs. Quittant le foyer, ensuite, le chien s’en vint vers Jean, et saisissant le bas de ses pantalons, il essaya d’entraîner son maître.

Jean courut à la cuisine, où Maurice était occupé à coller le pont de son violon.

— Leroy, dit-il, voulez-vous venir au salon, pour quelques instants ?

— Certainement ! répondit Maurice.

En entrant dans le salon, Maurice remarqua les allures singulières de Léo.

Qu’a donc Léo ? demanda-t-il à Jean.