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Mlle  Vallier, demanda Jean, savez-vous pourquoi Marielle agit ainsi envers moi ?… L’aurais-je froissée, sans le faire exprès ?… Qu’y a-t-il ? Le savez-vous, Mlle Vallier ?

— Non, je ne le sais pas, répondit Louise ; mais je suis votre amie, M. Bahr, et je vais essayer de découvrir la raison de cette conduite de Marielle.

— Vraiment ! Vous ferez cela ! Oh ! merci, Mlle Vallier, merci !

— Je le répète, je suis votre amie, votre sincère amie… Vous acceptez bien mon amitié, n’est-ce pas, M. Bahr, et vous me donnerez la vôtre, en retour ?

— Certes, oui ? répondit Jean. Et vous parlerez à Marielle n’est-ce pas ?… Vous lui direz…

— Je lui dirai tout, je vous le promets ! dit Louise Vallier, en tendant la main à Jean. Jean prit entre les siennes la main de Louise Vallier et, galamment, il posa un instant ses lèvres.

À ce moment précis, Marielle arrivait dans la cuisine, afin de faire réchauffer un peu de bouillon pour Mme Dupas. Elle vit le geste de Louise Vallier, elle vit Jean, son fiancé, baiser la main de la jeune fille, et elle crut mourir de douleur… Jean ! Son Jean lui était infidèle !…

À la course, Marielle monta dans sa chambre, elle se jeta sur son lit et elle éclata en sanglots.

Après le départ de Jean, Louise Vallier, très satisfaite du succès de ses intrigues, se disait :

— Maintenant, il s’agit d’empêcher ces deux-là de se rencontrer… Il y a malheureusement, les soirées de M. Jambeau… Comment faire pour persuader Marielle de ne plus y assister ?… Je trouverai bien un moyen !

Mais, Louise Vallier n’eut pas à faire appel à son imagination, car M. Jambeau, le lendemain, tomba malade, si malade même que ses Soirées Littéraires et Musicales furent, forcément interrompues.


CHAPITRE XXVIII

ÉPREUVES


M. Jambeau était, en effet, bien malade et on craignait de le voir mourir. Ce fut, d’abord, une forte attaque de rhumatisme articulaire, puis il prit une sorte de bronchite, accompagnée de fièvre intense et de délire.

Ni Jean ni Maurice ne quittait M. Jambeau ; chacun leur tour, ils veillaient à son chevet, et le jour et la nuit. Ce bon M. Jambeau !… Et impossible de se procurer les conseils d’un médecin !… On le soignait à peu près, mais au meilleur de sa connaissance ; le bon Dieu ferait le reste !

Souvent, dans le délire de la fièvre, M. Jambeau prononçait le nom de Marielle et, un jour, Maurice dit à Jean :

— Que penseriez-vous de l’idée d’envoyer Firmin au « Manoir-Roux » et d’essayer d’en ramener Mlle Marielle ? Il est très surprenant qu’elle ne soit pas venue d’elle-même, n’est-ce pas, Bahr, puisqu’elle sait que M. Jambeau est malade ? Firmin, ajouta Maurice, voulez-vous aller au « Manoir-Roux » ? Demandez à parler à Mlle Dupas et dites-lui comme M. Jambeau est malade. Dites-lui aussi qu’il prononce souvent son nom, à Mlle Dupas, dans son délire, et que nous avons pensé que sa présence ici ferait peut-être du bien au malade.

Je pars immédiatement, M. Leroy, répondit Firmin.

Avec quelle impatience on attendit le retour du domestique de M. Jambeau ! Enfin, il arriva ; mais il était seul.

Mlle  Marielle ? demandèrent, en même temps, Jean et Maurice.

— Messieurs, répondit Firmin, il y a des malades au « Manoir-Roux » aussi.

Mlle  Dupas ! s’écria Jean.

— Non, M. Bahr, pas Mlle Dupas. C’est elle qui m’a reçu… Mme Dupas est très-malade ; elle souffre de la même maladie que M. Jambeau, et on est très inquiet à son sujet. La vieille Nounou est, elle aussi, bien mal, et M. Dupas, depuis ce matin, a de continuels frissons.

— Ciel ! s’exclamèrent Jean et Maurice.

— J’ai trouvé Mlle Dupas bien changée, pâle et les yeux cerclés de noir : c’est qu’elle est seule pour soigner tous ces malades, continua Firmin.

— Mais, Mlle Vallier ? demanda Maurice. Est-elle malade, elle aussi ?

— Non, M. Leroy. Mais Mlle Vallier prétend avoir peur de cette maladie, qui est contagieuse, et elle reste dans sa chambre, ne descendant qu’aux heures des repas.

— Quel égoïsme ! dit Jean.

— Firmin, demanda Maurice, seriez-vous assez bon de vous rendre chez moi et dire à Chérubin de venir ici immédiatement ?

— Certainement, M. Leroy !

Firmin partit, puis il revint, au bout de quelques minutes, accompagné du domestique de Maurice.

— Chérubin, dit Maurice, nous venons d’apprendre que M. et Mme Dupas, ainsi que Nounou sont malade. Mlle Dupas a, seule, la charge de tous ces malades… Tu vas donc partir pour le « Manoir-Roux » et t’y installer, afin de donner à Mlle Dupas tout l’aide possible.

— Bien, M. Maurice, répondit Chérubin.

— Attends, Chérubin, dit Maurice, Tu viendras nous apporter des nouvelles du « Manoir-Roux », chaque jour, deux fois par jour même, si tu le peux.

— Certainement, M. Maurice ! répondit le domestique, puis il partit pour le « Manoir-Roux ».

Et que devenait l’enfant Max pendant ce temps ?

Max était à « Charmes Villa », chez Maurice. Quand M. Jambeau tomba malade et que Jean passait, la plus grande partie de son temps auprès du malade, Maurice envoya son domestique chercher l’enfant, car on ne pouvait le laisser seul au « Gîte ». Max arriva donc à « Charme Villa », un beau soir, portant, dans sa main droite, une petite valise contenant du linge, et dans sa main gauche, un panier couvert contenant Toute-Blanche. Inutile de dire que Léo suivait, comme toujours, son maître pas à pas.

M. Jambeau fut plus de trois semaines malade. Enfin, il put quitter son lit et s’asseoir dans un fauteuil. Jean et Maurice commençaient à songer à réintégrer leurs domiciles respectifs, quand, un soir, Firmin tomba subitement malade, à son tour. Ce pauvre Firmin venait de dire à M. Jambeau :

— M. Jambeau, c’est une épidémie qui décime le Rocher aux Oiseaux que cette maladie