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gasin, durant l’après-midi pour avoir des nouvelles.

— Bonne nuit. Leroy, répondit Jean, À demain !

Mais Jean Bahr ne ferma pas l’œil de la nuit, car sans cesse, devant ses yeux, passait la scène dramatique dont il avait été le témoin, au « Manoir-Roux ».


CHAPITRE XXII

À LA MERCI D’UNE MARÂTRE


Le lendemain après-midi, quand Maurice Leroy arriva au magasin, Jean Bahr était encore sans nouvelles de Marielle ; mais il écrivait justement une lettre à sa fiancée.


« Ma chère fiancée »,

« Si vous le pouvez, faites-moi parvenir de vos nouvelles je vous prie. J’envoie Max au « Manoir-Roux » avec ce billet, sous un prétexte quelconque ; il essayera, de vous voir.

Un mot, s’il vous plaît, Marielle chérie, soit verbalement, soit par écrit, car je suis très inquiet à votre sujet. Maurice est ici, dans le moment ; lui aussi a hâte d’avoir de vos nouvelles.

JEAN BAHR

P. S. Dites à Max quand vous aimerez avoir la voiture et les chèvres. Demain après-midi, peut-être, ?… Et peut-être aurais-je le plaisir de vous apercevoir quand vous passerez ; je l’espère de toute mon âme.

J. B. »


Jean confia ce billet à Max, avec mille recommandations, et les deux jeunes gens attendirent impatiemment le retour de l’enfant. Quand il arriva, enfin, il remit à Jean un pli cacheté.


« Mon cher fiancé »,

« Ça ne va pas trop mal ici ; ne soyez pas inquiet. Demain après-midi, vers les trois heures, j’aimerais avoir la voiture et les chèvres ; j’ai promis à M. Jambeau de lui faire faire une promenade, demain, si le temps est favorable, et comme il aura affaire au magasin, nous aurons l’occasion de causer ensemble pendant quelques instants, sans doute, vous et moi, cher Jean.

Mes saluts et amitiés à M. Maurice, et à vous, Jean…

MARIELLE »


Au « Manoir-Roux » La vie sembla reprendre, comme si un événement assez dramatique n’avait pas eu lieu ; mais, que de coups d’épingle Marielle eut à endurer chaque jour et plusieurs fois par jour ! Pauvre Marielle !… Elle n’aimait guère la nouvelle Mme Dupas, on le sait, car elle la devinait fausse et méchante ; mais Louise Vallier lui inspirait une sorte de crainte indéfinissable. Louise avait pris à tâche de rendre la vie intolérable à Marielle, et elle y réussissait parfaitement.

Marielle, « reléguée au troisième plan » pour citer Maurice Leroy, souffrait cruellement de cet état de choses : elle souffrait surtout de l’indifférence de son père. Pierre Dupas n’avait pas l’air de s’apercevoir de ce qui se passait. Certes, il n’y avait plus eu de scènes depuis le soir du retour de Pierre Dupas ; mais une infinité de petites choses faisaient mal au cœur de Marielle. Elle avait dû céder sa place à table ; cette place, qu’elle avait toujours occupée, appartenait, maintenant, à la nouvelle maîtresse de maison, et ses droits de maîtresse de maison Mme Dupas ne les cédait à personne.

Un soir, Marielle avait dit à Nounou de faire des soufflés au chocolat pour le souper, parce que Jean soupait au « Manoir-Roux », ce soir-là, et il aimait beaucoup cette friandise. Quand le dessert arriva sur la table, Marielle vit qu’il n’y avait pas de soufflés au chocolat et elle demanda à la vieille servante :

— Nounou, pourquoi n’as-tu pas fait de soufflés au chocolat ? Tu sais que M. Bahr les aime… Je t’avais dit, d’ailleurs, d’en faire et…

— Mais Marielle, répondit Nounou, j’avais commencé à préparer les soufflés, d’après vos ordres ; mais j’ai reçu un contr’ordre.

— Vraiment ! s’écria Marielle. Il me semble que quand je donne un ordre à Nounou…

— J’ai trouvé, Marielle, dit Mme Dupas, d’un ton sec, que nous avions, assez de choses pour le dessert, ce soir, et j’ai défendu à Nounou de faire les soufflés au chocolat ; voilà !

— Mon père ! dit Marielle. Vous ne permettrez certainement pas que je sois traitée de cette façon ! Père ! Père ! ajouta-t-elle, en éclatant en sanglots.

Mme Dupas est la seule qui ait le droit de donner des ordres, à la cuisine ou ailleurs, dans cette maison, répondit froidement Pierre Dupas.

Marielle fondit en larmes et Jean, en colère, quitta la table, offrant son bras à sa fiancée.

— Ne pleurez pas ainsi, Marielle, ma bien-aimée ! murmura Jean.

Puis il entraîna la jeune fille dehors et il parvint à la consoler un peu. Seulement, Jean n’accepta plus, après cela, les invitations de Pierre Dupas de venir souper au « Manoir-Roux ».

— Non, merci, M. Dupas, avait-il répondu. Puisque vous jugez à propos de maltraiter votre fille, je ne tiens pas à en être témoin.

— Bahr, dit Pierre Dupas, nous étions de bons amis, autrefois…

— Nous l’aurions toujours été, sans doute, répondit Jean, si vous n’aviez pas jugé à propos de…

— De me marier, vous voulez dire, Jean ?… j’en avais parfaitement le droit, ce me semble !

— Bien sûr ! Bien sûr ! répliqua Jean. Mais, vous n’avez pas le droit de laisser maltraiter votre fille… ni de la maltraiter vous-même. Comme dit Nounou : « Il ne fallait pas traiter Marielle comme si elle eut été une princesse, si vous deviez la martyriser un jour ! »

Il y avait à peine un mois que Mme Dupas était installée au « Manoir-Roux », et déjà bien des changements s’y étaient opérés. D’abord, le piano de Marielle n’était plus dans la grande salle, mais dans une chambre faisant suite à cette salle et que Mme Dupas avait convertie en salon. Elle avait fait venir à grands frais, de Québec, des meubles et un tapis, et ce salon on ne s’en servait que dans les grandes occasions… et comme les grandes occasions étaient